ÉTATS-UNIS – C’est le nouveau rêve américain : signaler son voisin sans papiers en le prenant en photo, puis être récompensé par de la cryptomonnaie. En tout cas, c’est la promesse d’ICERAID, une application lancée par Jason Myers en janvier. Ce dernier, qui se présente sur X comme un banquier devenu expert en crypto, a expliqué à Newsweek qu’il souhaitait « améliorer l’efficacité des agences gouvernementales en facilitant une relation symbiotique avec les citoyens ».
Le concept d’ICERAID tel que décrit sur son site est simple. Il suffit de remplir un formulaire, accessible via un portefeuille de crypto, en soumettant des « preuves photos de 8 types d’activités criminelles soupçonnées ». Sur le compte X de l’application, il est surtout question de signaler des « étrangers illégaux », c’est-à-dire des personnes n’ayant pas la citoyenneté américaine, mais aussi des « terroristes d’intérieur » ayant vandalisé des Tesla ou encore des personnes violentes envers les animaux.
Elon Musk signalé comme « immigré illégal » à la police, la blague qui est allée un peu trop loin
ICERAID se targue aussi d’avoir un « programme de parrainage », décrit de la manière suivante : « Si tu es un migrant honnête, travailleur et sans papiers sans casier judiciaire, tu peux gagner une grosse récompense si tu cherches à obtenir un statut légal aux États-Unis en t’auto-signalant en utilisant l’application ICERAID. » Sans préciser ladite récompense.
Si l’application de Jason Myers précise bien qu’elle n’a aucune affiliation avec le gouvernement américain, son concept n’est pas inconnu à l’administration Trump. Comme l’a découvert le New York Times mi-avril, une application créée par Geo Group, un exploitant de prison privées, a facilité l’arrestation de centaines de personnes sans-papiers. Le département de la sécurité intérieur encourage aussi les personnes migrantes vivant aux États-Unis à signaler leur « autodéportation » via une application, tandis qu’ICE, la police chargée de l’immigration, dispose d’une hot-line.
Un « meme coin » dérisoire et un site envahi par les trolls
Le projet de Jason Myers va cependant plus loin que ces initiatives officielles avec son prétendu système de récompense – « prend une photo, sois un héros, et met de côté de l’argent digital pendant que tu y es », a garanti selon The Verge l’ancien élu républicain Matt Gaetz en vantant les mérites d’ICERAID lors d’un épisode de son émission pro-Trump.
Sauf qu’il suffit de se rendre sur la carte d’ICERAID, censée répertorier les signalements, pour se rendre compte de l’ampleur de l’arnaque. Actuellement, seuls 7 incidents sont balisés. Le seul qui est entièrement validé s’intitule « Oscar Romero en train de commettre des crimes », et contient une photo d’Óscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné en 1980 pour avoir défendu les droits de l’homme.
The Verge, qui a enquêté sur ICERAID, explique par ailleurs que l’appli de Jason Myers semble en réalité faire la « promotion d’un meme coin du même nom », lancée début avril après des mois de retard. Cette cryptomonnaie est pour l’instant détenue par 137 personnes, et chaque token vaut 0,003562 dollar. Malgré sa mise en avant par des influenceurs d’extrême droite tels que Laura Loomer ou l’ancien Proud Boy Jacob Engels, les premiers investisseurs ont vite regretté leur achat, exigeant un remboursement dans le groupe Telegram d’ICERAID précise le site The Rage.
Pire encore, rien n’indique que les internautes ayant soumis des signalements validés ont été payés, Jason Myers ayant arrêté de répondre aux mails de journalistes The Verge sur le sujet après avoir été interrogé sur son passé. En 2014, le créateur d’ICERAID a en effet été banni de ses activités de courtier négociant pour avoir détourné au moins 700 000 dollars de financements levés par 19 investisseurs, indique le site de la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA).
À voir également sur Le HuffPost :
Trump se dit prêt à payer les migrants pour qu’ils s’auto-expulsent
Marjorie Taylor Greene, une très proche de Donald Trump, a vu sa réunion publique tourner au chaos